Assise sur le perron, la demoiselle regardait les travailleurs débarquer un à un de l'autobus. Elle était devenue une championne, elle pouvait tout de suite deviner leur motivation. Était-il là volontairement ? Était-ce leur sentence ? Il y avait mille et une raisons possibles. Mari s'amusait à faire des scénarios à leur sujet. Elle relaça ses chaussures et partit vers le bâtiment principal. Elle adorait travailler au camp, depuis toujours. Mais aujourd'hui, elle attendait une lettre importante et elle était très nerveuse. Elle traversa le couloir, passant sa tête dans chaque cadrage de porte pour trouver sa soeur.
« Esmée ? Mais où t'es cachée ? » Elle avait fait une application à l'université pour entrer en médecine, son plus grand rêve. Son plus grand objectif. Son père ne cessait de lui répéter qu'il était fier d'elle et que sa mère le serait aussi. Elle était heureuse de savoir son père aussi fier d'elle et elle était ravie de savoir que sa mère le serait aussi. En effet, sa mère était décédée alors qu'elle avait quatre ans. Elle l'avait très peu connue et dès qu'elle avait eu l'âge, elle était devenue la mère de la famille. Elle s'était occupée de son père et de sa soeur. Elle avait toujours été une enfant douce et généreuse.
« Je suis ici.. » Le ton qu'avait utilisé la blondinette intrigua Mari. Elle entra dans la salle et aperçut sa soeur, une grande enveloppe à la main.
« Regarde ce qui vient d'arriver ! » Mari eut le souffle coupé et se mit à sautiller sur place. Elle avait beau être modeste, elle était sûre d'avoir été sélectionnée. Elle était très bonne à l'école et elle avait eu une bourse prestigieuse.
« Allez, ouvre là ! » Esmée secoua la tête et donna l'enveloppe à sa soeur. Elle lui fit signe de l'ouvrir, de se presser. Mari joua avec le rabat un instant avant de lentement ouvrir l'enveloppe. Elle tira les papiers et vit le « Félicitations ! ». Elle sauta dans les bras de sa soeur.
« J'ai été prise ! J'ai été prise ! » Les deux jeunes filles avaient une relation absolument fantastique. Elles avaient toujours travaillé ensemble sur le camp, partageant cette passion d'aider les autres. Elles se disaient absolument tout, s'entraidant pour tout. Elle allait partir pour l'université, mais elle serait toujours là pour sa soeur, elle le serait toujours.
Je débarquai de la voiture et franchis les quelques mètres qui me séparaient de la maison. J'avais empoché mon diplôme il y a quelques mois et j'avais obtenu un poste à l'hôpital de Guatemala City. J'habitai à ville, mais je venais au camp tous les dimanches où je n'étais pas de service. Je montai les escaliers de la terrasse et me dirigeai vers le bureau de mon paternel.
« Alors, tu as passé une belle journée ? » Je lui souris. Je savais que les journées pouvaient être difficiles, surtout depuis qu'il y avait de plus en plus de délinquants envoyés. Mais, le nombre de bénévoles grandissait et ça faisait chaud au coeur. Je m'approchai et déposai un baiser sur sa joue. Je le laissai à sa paperasse et partis à la recherche de ma soeurette. J'aperçus sa tête blonde au milieu du champ. J'attachai mes cheveux et attrapai un panier et allai la rejoindre. Je lui fis un petit signe de la main, sourire aux lèvres. Je m'agenouillai à ses côtés et commençai la corvée.
« Je t'ai manquée ? » Les deux jeunes femmes gloussèrent.
« Mais, bien sûr, Mari. Et moi ? » J'arrêtai de travailler et la pris dans mes bras.
« Comme toujours ! » J'avais maintenant ma vie à Guatemala City, mais ma soeur, mon père et ce camp restaient ancrés dans mon coeur. J'étais encore rattachée à eux et jamais je ne pourrai me passer d'eux, ils étaient ce que j'avais de plus chers.
Je franchis les dernières marches qui me séparaient du toit. Je poussai violemment la porte et fut frappée par un coup de vent. Mes cheveux volèrent dans tous les sens et je m'approchai du bord pour prendre une grande respiration. Ce côté avait beau être formidable, il y avait un grand nombre de mauvais. Comme quand un patient mourrait sous nos traitements ou qu'on avait ces moments où on se rendait compte qu'on pourrait aider encore plus. Mais quand un de nos proches mourraient dans notre hôpital, c'était le pire. Les larmes coulèrent sur mes joues et je les séchai du revers de la main. Il y a quatre heures, nous étions appelés pour un carambolage, il y avait plusieurs blessés et j'étais partie pour attendre l'arrivée des ambulances. J'étais avec mon équipe et puis, voilà qu'elles arrivent. C'est la cacophonie, personne n'est vraiment fan de ces accidents, mis à part les craqués de chirurgie. Les portes de l'ambulance s'ouvrent et l'ambulancière fait sortir le brancard.
« Jeune homme de vingt-cinq ans, blessé grave. On a presque plus de pouls, la tension est haute. Il y a de nombreuses contusions et fractures. On soupçonne une hémorragie interne et une grosse commotion... » Je n'écoutai même plus ce qu'elle disait. C'était Damian qui était sur le brancard.
« Oh mon dieu, Damian ! » Je passai ma main sur son visage et l'équipe traîna sur le brancard alors que je suivais avec peine. Mon fiancé, mon fiancé était sur un brancard et il était dans un état grave. Les larmes pointèrent au bout de mes yeux. Mon collège me regardait alors que je fixai avec panique et inquiétude le corps de l'homme qui partageait ma vie depuis deux ans.
« Je crois que tu devrais partir.. » Je hochai la tête, sachant pertinemment que je ne serai d'aucune aide. Je sortis de la salle d'examen au pas de course, les larmes coulant sur mes joues. Je repris mon souffle et observai tout derrière la vitre. Je jouai avec mon alliance, nerveusement.
« S'il vous plaît.. » Je les regardai travailler et puis j'entendis le bruit fatidique. La machine émit ce bruit si troublant, il déclencha la panique. Ils préparèrent le défibrillateur et tentèrent de le réanimer. Sans aucun résultat. Je commençai à hoqueter, les larmes coulant abondamment sur mon visage. Une amie et collège vint pour me prendre dans ses bras, mais je la tins éloignée. Je les regardai donner l'heure du décès. Je m'effondrai contre le mur et mon corps tremblait à cause des sanglots. Je fus transportée plus loin, à l'écart. Je pleurai tous les larmes de mon corps, sans cesse. Lorsque je me réveillai, les yeux secs, un de mes collèges se trouvait devant moi, celui qui s'était occupé de Damian. Il prit ma main.
« Nous avons tout fait ce que nous pouvions, Maritza, il n'avait plus rien à faire. Je suis vraiment désolé. » Je hochai la tête, silencieusement, sans pouvoir pleurer.
« On pense que ça serait bien que tu prennes quelques jours de congé, tout ce que tu as de besoin... » Je hochai la tête encore, sachant parfaitement où j'irai.
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MA SOEURETTE! j'espère, ENFIN, que tu seras la bonne! 
Merci beaucoup !